De la culture de l'offense à la culture du pardon
- Lisa Noa Zbinden
- 2 janv.
- 4 min de lecture

Ma génération a tendance à rapidement s'offenser et à le rester. Un commentaire sous l'une de nos publications Instagram, une remarque d'un·e proche sur l'un de nos choix de vie, un débat politique échauffé lors d'un repas de famille, un Tweet d'une célébrité ou un reproche de notre patron·ne suffit à nous faire partir au quart de tour. Tel un tas de brindilles sèches qui prendrait feu à la moindre étincelle.
Il y a deux conséquences directes à ce que j'appelle la "culture de l'offense" dans laquelle nous évoluons aujourd'hui : D'une part, nous en venons à marcher constamment sur des oeufs. Tentant, tant bien que mal, d'éviter de faire ou dire quelque chose qui pourrait offenser qui que ce soit. D'autre part, nous nous donnons le droit d'être offensé·es et de le rester quand nous avons été blessé·es, c'est sur ce point là que je voulais m'attarder.
Ceux celles qui me connaissent le savent - et parfois le subissent, j'aime débattre, avoir de longues conversations sur l'actualité politique ou la société en général ; donner mon avis et écouter celui des autres. J'aimerais pouvoir vous dire que discuter avec quelqu'un ayant des opinions fondamentalement opposées aux miennes est, à chaque fois, un moment de partage instructif où je me remets en question et apprends de l'autre mais ce n'est (de loin) pas toujours le cas.
Un sujet qui me touche particulièrement est celui des droits des femmes. Il m'est très souvent arrivé de me sentir attaquée dans qui je suis et d'être profondément "offensée" par les propos de la personne en face de moi lors d'une discussion autour de cette thématique. Ce type d'interaction a commencé à faire grandir un sentiment d'offense en moi. Pas une (sainte) colère ou un sens de la justice qui me pousserait à me mettre en action, mais un sentiment d'offense qui gangrène en moi et m'immobilise sur place.
Dans ces dernières années, Dieu m'a interpellée en me rappelant que mon identité est en Lui, et que je ne dois pas chercher la validation des autres ou de la société.
Mais en quoi l'identité est-elle liée au fait de se sentir offensé·e?
Notre société, en s'éloignant de Dieu et en se détachant de Sa Parole, a vécu une crise identitaire et une crise existentielle. En effet, sans ce sentiment d'appartenance, de filiation, l'être humain tente "d'être quelqu'un", de trouver ailleurs la validation dont il a tellement besoin pour exister... validation qu'il ne peut trouver qu'en Dieu. Sans Dieu dans notre vie, nous perdons ce miroir reflétant la personne que nous sommes. En conséquence, nos ami·es, nos proches, nos collègues, nos connaissances et ceux·celles qui croisent notre chemin deviennent notre miroir.
Nous attendons d'eux.elles qu'ils.elles nous renvoient une image de qui l'on est, et laissons alors ces multiples "images" justes ou faussées nous définir.
Dès lors, si nous nous sentons jugé.e.s, critiqué.e.s par ces mêmes personnes, dans notre personnalité, nos idées ou nos actions, nous nous sentons rapidement offensé·es.
Et nous n'arrivons pas à pardonner ou à passer à autre chose car nous essayions de combattre les images faussées que nous renvoient ces "miroirs" humains.
Tout au long de son ministère, Jésus a été critiqué, moqué, jugé, dévisagé, harcelé par les chefs religieux, les pharisiens, et cela jusqu'à son dernier souffle. En dépit des attaques incessantes contre ce qu'Il faisait, ce qu'Il disait et qui Il était, Jésus a pu accomplir sa mission sur Terre car il connaissait son identité: Il reflétait Son Père. On peut le lire dans Marc 14:60-6I : "Le souverain sacrificateur l'interrogea de nouveau, et lui dit : Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? Jésus répondit : Je le suis."
Je crois que connaître son identité en Dieu c'est venir chercher et trouver qui nous sommes en Lui, plonger notre regard dans ses yeux de Père et être ainsi en possession d'un bouclier capable de nous protéger de toute offense. Jamais Dieu ne nous offense ou nous blesse par l'image qu'Il renvoie de nous. Au contraire, cette image nous renforce, et nous établit : "(...) nous tous qui, le visage découvert, contemplons, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en son image" (2 Corinthiens 3:18).
J'aime cette phrase de David A. Bédane qui dit qu'"Être offensé c'est un choix que l'on fait, ce n'est pas quelque chose qui nous est infligé ou imposé par quelqu'un ou quelque chose." Il nous faut donc être proactif·ves afin de ne pas laisser le sentiment d'offense nous consumer. L'écrivaine Chimamanda Ngozi Adochie nous encourage dans cette direction : "La culture ne crée pas les gens. Les gens créent la culture."
En tant que fils et filles de Dieu, nous ne sommes pas appelé.e.s à subir cette culture de l'offense, mais à la transformer en culture du pardon - en apprenant à pardonner ceux·celles qui nous ont offensé·es (Matthieu 6:12). Si l'on considère qu'être offensé.e est un choix, pardonner en est un aussi. Jésus, sur la croix, a crié à Dieu : "(...) pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font." Accusé injustement, humilié, soumis à la souffrance et mis à mort pour nos pêchés, Jésus avait, à nos yeux humains, toutes les raisons de faire le choix d'être offensé, mais il a choisi le chemin du pardon.
Image @thecut
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