Quand "non" ne suffit pas
- Lisa Noa Zbinden
- 6 janv.
- 3 min de lecture

En janvier 2022, alors que j'étais dans le train avec une amie, un gars est venu s'asseoir à côté de moi. C'était entre deux arrêts, il n'avait donc aucune raison apparente de faire cela. Il a commencé à nous parler de tout et de rien. Poliment, je l'ai écouté et j'ai répondu à ce qu'il disait. Il ponctuait ses phrases de sourires en coin. Et il répétait être frustré de la distance qu'on devait garder à cause du Covid-19. Son visage était très proche du mien. Après quelques minutes d'échange, j'ai commencé à être mal à l'aise.
Cet inconfort n'a fait que grandir quand il a posé des questions plus personnelles. J'ai essayé de les esquiver avec humour pour ne pas trop le brusquer. Mais surtout parce que je ne me sentais pas en sécurité. Au bout de quelques minutes, il a réalisé que mon amie ne lui avait pas adressé la parole depuis le début. Il s'est tourné vers elle et lui a demandé de le regarder ; il voulait voir ses yeux. Gênée, elle s'est appliquée. On sentait qu'il avait besoin de reprendre le contrôle sur la situation. Ne supportant sûrement pas qu'une femme puisse l'ignorer.
Il a cherché ensuite à savoir où l'on habitait. Je suis restée très vague même si je voyais que ma réponse ne le satisfaisait pas. Il a dit vouloir me revoir. J'ai dit que je ne préférais pas. Cela ne l'a pas découragé. Il m'a demandé une fois, deux fois, trois fois mon numéro.
Il m'a même tendu son natel pour que l'inscrive moi-même. Tout cela malgré mes "non" à répétition. S'approchant de la gare de Lausanne, on s'est rapidement levée, pressée de sortir du train. Je lui ai dit "Aurevoir." et "Bonne soirée." aussi fermement que possible.
Je me suis mise à le vouvoyer pour créer une distance. Pour se débarrasser de lui, mon amie a dit qu'on allait retrouver son frère sur le quai.
Voyant qu'il insistait, je lui ai redit "Aurevoir.', espérant qu'il comprenne (enfin) le message. Mais il a répondu "Ce n'est pas fini." C'était lui qui devait avoir le dernier mot. Ce serait fini quand il en aurait décidé. Il est resté planté derrière nous alors que le train ralentissait. Continuant à s'adresser à nous. J'ai réfléchi à un moyen de le semer. Tout en restant aussi distante que possible. Frustré par mon attitude, il m'a dit que jétais dure.
"Dure" parce que je ne voulais pas lui donner mon numéro.
"Dure" parce que j'étais insensible à ses avances.
"Dure" parce que je n'allais pas dans son sens.
Décidé à ne pas nous lâcher, il m'a expliqué qu'il cherchait quelqu'un avec qui faire sa vie.
Que je lui faisais penser à une femme de son entourage. Sur le quai, il s'est encore exclamé "Tu sais moi j'ai besoin de le faire 3 fois par jour." Voyant peut-être l'agacement (et la peur) dans nos yeux, il a lâché l'affaire. Il nous a souhaité une Bonne soirée comme si de rien était, avant de s'en aller. On a pris la direction opposée, en attendant qu'il soit hors de notre champ de vision. Mon amie m'a expliqué qu'elle écrivait à son frère pendant toute la discussion. Et qu'ils avaient discuté de stratagèmes pour se débarrasser de ce gars - dans le cas où la situation dégénérerait.
Je trouvais important de partager cette histoire, tristement "banale" dans la vie d'une femme, car elle est révélatrice d'un gros problème de société : notre consentement est trop souvent écarté de l'équation. Notre "non" n'est pas pris au sérieux : il est vu comme un "peut être", un "oui en devenir". Cela nous amène à devoir nous justifier et/ou à élaborer des stratégies défensives. Transformant certaines de nos interactions avec des hommes en des rapports "proie-prédateur". Cela doit changer.
Image @behance.net
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