Un string bleu n'est pas une circonstance atténuante
- Lisa Noa Zbinden
- 19 déc. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 déc. 2024

Je dis souvent qu’une femme pourrait être complètement nue et ivre, en pleine rue le soir, et qu’elle ne serait toujours pas responsable si elle subissait des violences sexuelles.
Car RIEN, absolument rien, ne justifie une agression sexuelle ou un viol.
En Irlande, en 2018, lors d’un procès pour le viol d’une adolescente de 17 ans, le string bleu à dentelle qu’elle portait lors des faits a été utilisé comme « preuve de consentement » par l’avocate de l’accusé. Le violeur présumé a finalement été acquitté et la jeune fille condamnée à croire qu’elle « l’avait bien cherché ». Cette décision de justice a été vivement critiquée à travers l'Irlande et a donné naissance à de nombreuses protestations.
Je me souviens, qu’à l’époque, cette affaire, qui s'était pourtant passée à plus d'un millier de kilomètres de ma Suisse natale, m’avait profondément écœurée : car, une fois encore, une jeune fille était injustement rendue responsable du viol qu’elle avait subi.
L'argument mobilisé par l'avocate me ramenait à des phrases, en apparence anodines, que j'ai entendues de la bouche d'hommes et de femmes au sujet des violences sexuelles. Des phrases que vous avez peut-être vous-mêmes déjà dites ou pensées, tant elles sont banalisées dans notre société :
« En même temps, t’as vu comment les filles s’habillent aujourd’hui ? »
« Se balader en ville le soir c’est déjà se mettre en danger. »
« Avec un décolleté pareil elle le cherchait un peu. »
« Elle l’a sûrement chauffé. »
« Après, quand on boit autant, faut pas s’étonner. »
« C’est son copain, elle devait le vouloir aussi. »
Mon intention ici n'est pas de vous jeter la pierre ; par le passé, lorsque j'ai été confrontée à des situations de violences sexuelles, je suis aussi tombée dans cet écueil, ne réalisant pas combien j'étais influencée par la culture du viol* et les mythes sur le viol.
En outre, le fait d'attribuer une cause spécifique aux comportements d'une personne - par exemple : "Mon collègue m'a parlé sèchement pendant la réunion d'équipe, il a dû mal dormir." - est une tendance humaine. En psychologie sociale, la "Théorie de l'attribution" désigne justement cette tendance à la justification, elle explique que cela vient d'un besoin profond de donner un sens au chaos et de réduire l'incertitude.
Cela étant dit, il est important maintenant de faire un pas de recul et de porter un regard neuf sur les violences sexuelles. Car si l'on prend le temps de lire et d'écouter des témoignages des survivantes, on réalise que ces crimes sont malheureusement une constante à toutes les époques, dans tous les milieux culturels, sociaux, religieux et dans toutes les classes d’âge. Et qu'ils sont commis indépendamment d’une tenue particulière, d’un lieu spécifique, d’une tranche horaire, d’un certain taux d’alcool dans le sang, d'une attitude de la victime… Les violences sexuelles ne peuvent donc pas s'expliquer par A+B, comme on aimerait parfois le faire. C'est une problématique complexe et multidimensionnelle. Ce qui sûr c'est qu'elles sont l'un des symptômes de notre monde déchu, qui a désespérément besoin d'être réconcilié avec son Créateur, son Père.
Alors, plutôt que de chercher à justifier ces terribles actes, il serait plus constructif de :
Croire les survivant·es de violences sexuelles.
Ne jamais les blâmer pour ce qu’ils·elles ont subi.
Ne pas leur reprocher d’avoir attendu pour parler, mais se demander pourquoi ils·elles n’ont pas osé le faire plus tôt.
Lutter contre les fausses croyances sur les abus sexuels et la culture du viol.
Éduquer les gens sur la notion de « consentement ».
Ne pas laisser les survivant·es seul·es face à leur souffrance, les rediriger vers des sources d’aide, prendre de leurs nouvelles.
Interroger le rôle de la pornographie dans ce fléau.
Ne pas minimiser les abus : un abus est un abus, peu importe la forme qu’il prend.
…Et la liste continue.
La Parole nous invite à chercher continuellement la justice de Dieu, à dénoncer les œuvres de l'obscurité et à prendre soin de ceux·celles qui souffrent autour de nous.
« toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites » (Matthieu 14:40)
*Un environnement socioculturel où les violences sexuelles sont excusées et banalisées, les victimes blâmées pour ce qu'elle ont subi et les agresseur·ses dédouané·es.
Image : @stripeandstare.com
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